La voix des « sans voix »: le film « L’Abbé Pierre: une vie de combats »

Je sors du cinéma où je viens d’aller voir le film « L’Abbé Pierre: une vie de combats ». Je me sens un peu déroutée et pleine de questions intérieures à la sortie d’un film, que j’étais très impatiente de voir.

L’Abbé Pierre, l’inspiration

Cet homme qu’était l’Abbé Pierre a gardé une place particulière dans mon cœur et dans celui de ma maman qui a toujours était très touchée par ces actions et ces intentions. Elle en a lu tous les livres et tout ce qui sortait dans la presse à son sujet. Bouleversée comme beaucoup par son message puissant et vrai.

De mon côté petite, je rêvais qu’un jour le monde serait plus beau, sans misère, sans pauvreté, sans personnes abandonnées… Et revoir cet homme, entendre ses paroles a réveillé en moi ces souvenirs, ces espoirs, ces constructions dans ma tête qu’un jour moi aussi je créerai une structure d’accueil alternative, etc. C’est resté dans ma tête…

La rencontre avec sa propre mission de vie

L’Abbé Pierre c’est avant tout Henri Grouès, un moine vivant dans la communauté des Capucins, à Crest. Sa santé fragile va le faire sortir de ce monastère (lui qui rêvait de sainteté), mais aussi des rangs militaires. Le voilà perdu, devant ce destin dont il ne sait rien. La collaboration franco-allemande l’amène à entrer en résistance dans le maquis où il rencontre Mlle Coutaz, une miraculée de Lourdes qui lui fait de nouveaux papiers : l’Abbé Pierre est né. Mlle Coutaz a été de TOUS les combats de l’Abbé Pierre.

Á la sortie de cette guerre, l’Abbé Pierre ne sait plus comment à sa façon il peut être le plus utile au monde. Et c’est là, que l’idée d’Emmaüs germe et se réalise, non sans difficultés. S’en suit alors l’inoubliable et glacial hiver 1954 et ce message radiophonique, après avoir trouvé une femme morte de froid, tenant dans sa main le billet d’expulsion de son domicile datant de 48h, pour demander l’aide de toutes et tous.

La vie défile, et vite

Emmaüs prend de l’ampleur et se répand, il y a l’épuisement de l’Abbé Pierre, il y a les trahisons, les récupérations politiques, les enjeux de pouvoir et d’argent. Oui, « une vie de combats » convient comme description à la vie de cet homme qui termine ses jours en constatant les 1000 vies qui compose la sienne.

Il constate aussi cette chose qui est ce sentiment d’avoir échoué à rendre ce monde plus beau, les hommes plus heureux,… Mais François, cet ami ressuscité le temps d’un instant à l’écran, lui répète que, oui il a échoué à… mais qu’en fait, il a fait bien plus : il a aimé les hommes dans ce qu’ils ont de plus beau mais aussi tout ce qu’ils ont de malheurs en eux.

Le film « L’Abbé Pierre »

Personnellement il m’a manquée du temps. Le film trace sa route, on fait défiler la frise du temps à grande vitesse. Hors je crois qu’il m’a manqué le temps de la profondeur de la rencontre avec l’homme qu’était l’Abbé Pierre quitte à ne pas balayer tout ces « combats ». Cela reste évidemment un choix et un parti pris par le réalisateur que je respecte tout à fait.

Je pense qu’aujourd’hui plus que jamais un film comme celui-là peut rappeler des choses aux gens, et pour les plus jeunes leur faire ouvrir les yeux sur la réalité de notre monde. Pas l’autre bout du monde, mais bien celui au bout de notre rue. Le film nous rappelle en toute fin que c’est plus de 4 millions de personnes mal-logées dont plus d’1 million sont sans domicile… Consternant, non ?!

N’oublions pas la fraternité

Ce film a le mérite de faire revivre tout ce que l’Abbé Pierre portait. Les valeurs de partage, d’amour et d’entraide. Il vient nous montrer aussi, honte à nous, que ce monde ne change pas tant que cela. L’Abbé Pierre, comme Coluche et tant d’autres ont fait bougé des lignes… Aujourd’hui qu’en reste-t-il ?

Ne vous y trompez pas, les chiffres sont effroyables et ils ne nous donnent pas de quoi être fiers. Au total, c’est plus de 14 millions de personnes touchées par la crise du logement, pour 2022. Pénurie d’hébergements d’urgence, pénurie de logements sociaux : mais qu’avons-nous construits ? N’est-ce pas Mr Macron qui disait : « plus personnes dans la rue » en 2017… ?

Chacun sa route, chacun son chemin ? Vraiment ?!

J’ai été SDF pendant quelques mois. Ce n’est pas confortable, même si l’entourage est là. Vous sentez la fragilité, cette ligne en dessous de laquelle vous ne devez pas descendre trop longtemps sous peine d’être bannie. Mais la réalité c’est que ça va très vite et qu’une demande d’HLM prend plus de temps à aboutir que de se retrouver dans la rue.

Alors, au-delà de nos paroles, que reste-t-il de ces appels à la fraternité en nos cœurs et dans nos actes de chaque jour ? J’ai été pendant des années à la Croix Rouge en maraude. Je n’y suis plus et ce film vient me/nous redemander indirectement : que faisons-nous pour rendre ce monde plus aimant, plus décent pour nos frères et sœurs d’humanité ?

Á méditer…

Á bientôt !
– Rhéa –

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