« Little Girl Blue » : quand l’intime blessé, tue en silence

Je sais pas… Se sont ces trois mots qui sont sortis de ma bouche après avoir marché quelques pas sur le trottoir en sortant de la salle de cinéma…

« Little girl blue » : témoignages de filles à femmes

Les mots qui vont suivre vont vous sembler forts. C’est normal. Les maux qu’ils dénoncent sont tout aussi forts. Et leur intensité est aussi assourdissante que celle du silence qui les accompagne. Dans ce film bouleversant, hors des codes, nous assistons à la mise en abîme de trois destins: ceux de Monique, Carole, et Mona Achache. En réincarnant sa mère grâce à Marion Cotillard, Mona nous emmène à la résolution de l’énigme du départ brutal de sa mère Carole.

Il s’agit ici d’une plongée: d’un film dans le film. D’un personnage qui plonge dans un autre personnage. Et on ne cesse durant le film de gagner en profondeur, à tel point que cela en devient abyssal. On s’attache au jeu de Marion Cotillard, époustouflante, d’une vérité incarnée qui vient nous rejoindre, nous prendre par la main pour nous emmener au fond du sujet porté par Mona Achache : l’inceste et ses non-dits.

La violence sur l’enfant en famille

Un inceste répété dans la famille sur au moins deux générations… Peut-être plus… Un silence et une détresse sentie chez celle qui sait, qui se répète. On comprend d’abord que la grand-mère de Mona a dû savoir pour l’inceste de Carole. Puis vient le tour de Carole qui découvre l’inceste et les violences sexuelles de Mona. Les larmes… Cet échange douloureux entre Marion/Carole et Mona est d’une puissance émotionnelle rare.

Ce moment semble arriver dans une lenteur, une sensation de ralenti qui rend l’impact émotionnel très puissant, nous bouleversant et nous désarmant instantanément. Une délivrance qui semble pourtant tout réenfermer tant d’un coup tout semble avoir été dit. Il ne reste plus de trace dans cet appartement redevenu vide après avoir été remplie d’archives et de photos du sol au plafond pour servir de lieu de tournage. Seul reste encore les accessoires de Carole sur le bureau…

L’inceste : et après ? En France ça ressemble à quoi ?

Si la parole libère du silence, aucun échappatoire n’apparaît à la mère de Mona, comme pour beaucoup de mères elles-mêmes victimes très souvent. Ici, Carole se sent « comme une merde », dépassée par le vécu de sa fille qui s’inscrit en miroir de son histoire. Lui apparaît alors une logique macabre, comme une évidence transgénérationnelle: si elle l’avait vécu, Mona ne pouvait pas y échapper ! C’est ainsi qu’elle en vient à se comparer et ne manque pas de diminuer le vécu de sa fille en regard du sien. Le souffle est coupé.

L’inceste, inéluctable ?! En tout cas rarement isolé dans une famille. L’inceste, ce taboo immense fait de haine, de violence, de silence, co-construit par un monde de pouvoir qui ne souhaite rien perdre de ses privilèges de dominants. La France, dont l’ONU dénonce, en 2020, la silenciation des victimes, pour eux la parole des enfants est niée, et où toutes les 3 minutes un enfant est victime d’inceste, de violences sexuelles.

Inceste : c’est par où la sortie ?

Je sais pas… Ces trois mots viennent en réponse à cette question surgit dans ma tête. Une impression d’urgence de comprendre ce sujet ces derniers jours, ces derniers mois. Il y a une analyse profonde de notre société dans laquelle il nous faut plonger collectivement et impérativement.

Elle est difficile à engager cette plongée en eau trouble. Il faut tenir jusqu’au bout, parfois en larmes, parfois en apnée,… parce qu’une fois qu’on sait, on comprend que c’est vital pour nos enfants, nos jeunes et adultes, victimes et potentielles victimes des 3 prochaines minutes.

Par où commencer ?

Charlotte Pudlowski avec son podcast et livre « Ou peut-être une nuit », six épisodes d’une quarantaine de minutes. Fred Le Chevalier et cet affichage sur Angoulême « 1 enfant sur 10 est victime d’inceste ». Emmanuelle Béart et son récent documentaire « Un silence si bruyant », Mona Achache, etc… Tout ces livres, documentaires, films, dessins… montrent l’abandon de ce par quoi commence notre humanité: notre enfance.

Après avoir lu, écouté et vu toutes ces différentes sources d’informations, de témoignages, je fais le lien avec le livre de Lili Boisvert Le principe du cumshot. Il ne vous dira rien sans doute, mais lui, il vous dira tout. Il étire tout ce que l’on finit par comprendre à la fin du pod-cast de Charlotte Pudlowski : l’ordre social que permet l’inceste et le silence.

L’intime c’est politique

Cette vision étroite de l’horizon, de l’avenir qui vient dès notre naissance, nous prendre par la main pour nous jeter plus loin d’une falaise. A l’image de cette vision, notre sort d’enfant, puis d’adulte semble tout simplement nous emmener à l’étouffement, à la loi de la domination, à notre propre écrasement. Le berceau des dominations, livre de Dorothée Dussy, est des plus éclairants au sujet de cette vision.

L’inceste : une blessure dans l’intime en chacune d’entre nous

Oui c’est ce qui se grave en nous. Des petits garçons, des petites filles, blessé·e·s à vie, « inces-tué·e·s », pour garder la main sur les plus petits, les plus fragiles que l’homme, (96 à 98% des incesteurs) dans toute sa masculinité toxique, domine pour assoir son pouvoir. Un ordre social où l’homme doit montrer sa force et sa violence pour garder sa place de dominant, là où la femme prend la place de la peur, du silence et de la faiblesse. Sachez une chose : vous n’êtes pas seule !

Je vous envoie tout plein d’amour et j’espère que des jours heureux viendront pour tous·tes.
A bientôt !
Rhéa

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