Sucre : ou comment la drogue peut se faire douce

J’ai rechuté, je suis allée voir mon dealer. Et oui, je suis un peu comme une camée. Mais attention, je ne touche pas à n’importe quelle drogue : caféine, héroïne, coke, ecsta, meth… Non, moi c’est de la drogue sûre et simple : le sucre ! Mon épicier de nuit me permet d’avoir ma dose à n’importe quelle heure : jour comme nuit, nuit comme jour ! Et c’est pas cher…

Alors, je reviens avec mon sac plastique orange, remplie de sucreries. Mes émotions m’ont tordue le ventre, le sentiment de plénitude a cédé la place au manque, et le besoin de compensation est venu si vite face à toute une montagne de frustrations, de déceptions, de sentiments d’échecs, de ratés. Bref, tout s’est passé si vite !

Les émotions et l’envie de sucre

C’est un vide abyssale qui parfois s’ouvre sous mes pieds quand j’ai l’impression que tout me tombe dessus. Quand ma tête sans répit se met à émettre toutes sortes de pensées dont j’ai beau me dire qu’elles ne font que passer. Oui, oui bien sûr ! Mais en attendant, elles laissent des traces, des empreintes.

Ces empreintes laissées dans la neige de mes émotions, de mes pensées vont m’amener à me dire beaucoup de choses négatives à mon encontre. C’est précisément à cet endroit-là que je ressens la béance de mes besoins face à : mon manque de confiance, mes peurs de me tromper, mes angoisses d’avancer,… Ajoutés à cela les ennuis du quotidien !!! Ouille…

Ma dose, mon shoot,… mon endormissement

Alors comme toute bonne junkie en manque je suis allée chercher mon shoot, ma dose. Ce qui va m’aider à apaiser le sentiment de souffrance au fond qui vient me tarauder. Je le sens arriver, je le vois arriver gros comme une baraque à frites. Parfois mon cerveau va être le plus fort. Et puis bien des fois je perds des rounds et me retrouve battue par chaos. Je plonge alors dans le sommeil et j’oublie mes angoisses… Libérée, délivrée, mais seulement dans mes rêves, pas vrai !?

Oui, certes, je sais que je peux tenir un certain temps, mais « certain » est très variable. Je me fais des promesses à moi-même. Puis j’oublie le soir même de tenir cet engagement, au départ, sincère. Que voulez-vous c’est trop bon, tout ces bonbons qui viennent dire à mon cerveau : « mais siiiiiii, t’es une mère super, mais ouiiiiii t’es une super professionnelle, et bien sûr que quelque chose de chouette t’attend ! »

Être en paix avec ses dépendances

Je crois que comme je ne suis pas atteinte d’une maladie neurologique du manque et de la dépendance, j’arrive à me contenir d’une certaine façon, quand même. Et depuis quelques temps, je dirais même que j’embrasse ce comportement pleinement. Je ne me roule pas non plus dans une piscine de dragibus, ne vous méprenez pas ! Mais voilà que je me suis mise à accueillir ma déroute sucrée.

Dès que l’on prend conscience de la cause d’un mal-être ou d’une maladie, le processus de guérison est déjà amorcé. Il ne reste plus que l’action ou la décision appropriée pour assister au retour de l’harmonie. Claudia Rainville

Oui. A me dire que je peux aussi choisir. Je peux décider ce soir, d’accueillir mes émotions : mon sentiment d’insécurité, d’incertitude, mon manque de confiance en moi, ma descente de sérénité intérieure, etc. Je sais l’issue, mais je sais aussi que c’est passager. Je sais que je suis susceptible d’y revenir. Mais je sais aussi que j’ai le choix et qu’au fond je sais que souhaite le retour à l’harmonie.

S’accueillir : libre et imparfait

Nos choix font de nous ce que nous sommes. Et parfois nos travers nous aident aussi à mieux cibler où sont nos failles et nos faiblesses. Pourtant, dans ces endroits un peu sombres et reculés, je crois qu’il est nécessaire d’y faire quelques plongées. Plonger ne veut pas dire s’abandonner.

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Notre monde attend tellement de nous d’être maladivement parfait. La moindre chose qui déborde devient la chose sur laquelle on doit taper, se malmener voire se dénigrer. Nous nous sommes perdu·e·s à tant d’endroit en nous. Il est bon de se rappeler, de prendre conscience de toute la complexité de l’être que nous sommes et de l’accueillir. Enfin s’accueillir avec douceur et bienveillance.

Bref… S’accueillir plutôt que s’adapter

Il s’agit de prendre de la hauteur sur nos maux. Ils sont pas mal généralisés. Le nombre de « moi aussi » que l’on peut lire sur des commentaires liés à des problématiques de ce genre doivent nous faire comprendre plusieurs choses. Nous ne sommes pas seuls. Nous ne résoudrons pas les choses en tapant dessus. Nous avons besoin de partager. Nous avons besoin de remplacer ce qui nous fait du mal par ce qui nous fait du bien.

Enfin, nous devons cesser de nous adapter à une société malade qui nous fait adopter un rythme de malade. Nous devons reprendre la main sur nous mêmes. C’est une question de libération à tant de niveaux. Je terminerais par cette dernière citation de Jiddu Krishnamurti :

Ce n’est pas un signe de bonne santé mentale d’être bien adapté à une société malade.

Bien à vous
Rhéa

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